Il y a, au-delà de tout mon discours et de ce que je puis dire particulièrement, je ne sais quelle force inexplicable et fatale médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus. » En lisant cela, à quoi pensez-vous ? À la description d’une liaison amoureuse par l’un de ses protagonistes ? Erreur. Ces quelques lignes font partie de l’essai de Montaigne De l’amitié (Mille et Une Nuits), dont nous retenons encore aujourd’hui le « parce que c’était lui, parce que c’était moi » (le « lui » en question désignant, bien sûr, Étienne de La Boétie).
La frontière entre amour et amitié est parfois poreuse, et les similitudes entre les deux, nombreuses : nous aimons tendrement, passionnément nos amis, nous avons peur pour eux, nous prenons soin d’eux, les écoutons, les conseillons, les portons, les dorlotons, les recueillons, tentons de sécher leurs pleurs, partageons avec eux nos peines comme nos joies, dont ils sont souvent la source. Amitié et amour sont aussi nécessaires et importants l’un que l’autre à notre équilibre.
« L’amitié, c’est un monde en soi, détaille la psychanalyste Danièle Brun1. Un lien incomparable qui est fait d’amour. Que ce soit à la crèche ou à l’école, c’est le premier en dehors de la famille qui permet l’ouverture vers l’autre, la rencontre du bébé, de l’enfant avec d’autres petits humains. »