Ce titre peut sembler étrange… Derrière cette personnalisation d’un protocole d’abord et d’un jeton ensuite se cache un enjeu réel. C’est l’objet de cet article.
Commençons par le commencement. Bitcoin est un protocole pair-à-pair qui, par des méthodes de cryptographie, est un réseau de confiance. Son objectif est de pouvoir échanger de la valeur sous forme digitale sans n’avoir à craindre la copie. Lorsque j’envoie un email vers une adresse avec une pièce jointe, nous savons tous que cette dernière est copiée. Le destinataire reçoit le fichier, pourtant ce fichier est encore dans mon ordinateur. Le protocole Bitcoin conserve une forme d’existence unique pour une donnée digitale : imagée par le jeton nommé « bitcoin » afin de renvoyer à une image d’objet tangible.
Notons la nuance qui ne transparaît pas nécessairement dans le titre. Nous avons là deux termes distincts. Le « Bitcoin » avec un « B » majuscule est un nom propre pour désigner le protocole. Le « bitcoin » est le jeton qui n’est autre qu’une production venant du fonctionnement du protocole Bitcoin. Le bitcoin est alors l’expression de la valeur digitale provenant du fonctionnement du protocole Bitcoin.
Bitcoin n’est pas raciste
Et pour ça on va s’intéresser avant tout à la neutralité du Net. Pour résumer, rien de mieux que de paraphraser Benjamin Bayart, libriste et baron des internets.
Benjamin synthétise la neutralité du Net en quatre points :
- Les données circulantes ne doivent pas être examinées,
- Les données doivent être transmises indépendemment de leur origine et du destinataire,
- Les données ne doivent pas être altérées lors de la transmission,
- Aucun protocole ne doit être privilégié pour transmettre des données.
En d’autres mots, la neutralité du Net stipule qu’une donnée quelconque doit pouvoir être transmise sur Internet peu importe sa nature.
Bitcoin respecte en tout et pour tout cette neutralité. Le protocole ne considère pas l’origine, ni le destinataire, et la donnée transmise ne peut être altérée par les acteurs du réseau — qu’on appelle « mineurs ». La seule variable qui influe dans la transmission est la taxe qui permet d’accélérer le processus de confirmation par le réseau.
Ainsi, Bitcoin est un protocole froid et dépourvu d’opinion : il n’est pas capable de discriminer une transmission selon son origine ou son destinataire.
Cependant, bitcoin est discriminé
Quand bien même le protocole est neutre… Ce qui y ruisselle peut être discriminé.
Et oui… Pauvres bitcoins, discriminés alors qu’ils n’ont jamais été responsables de leur sort. Un des aspects certainement le plus popularisé de Bitcoin est la chaîne de blocs — aussi appelée par son terme anglais « blockchain ». C’est un cahier des comptes public donc consultable par quiconque. Ce livre grand ouvert affiche toutes les transactions entre les utilisateurs de Bitcoin. Il est alors possible de retracer un jeton bitcoin jusqu’à son origine. En conséquence, l’humain étant attaché à la morale — à raison ou à tort — il peut déterminer si un jeton bitcoin est sain ou alors sali selon son histoire : ainsi naquît la discrimination du jeton frappé d’un B barré.
Un jeton bitcoin qui aurait circulé dans des réseaux mafieux est sale. Un autre jeton, dont son histoire montre qu’il a été, à un moment donné, volé, est sale. En revanche, un bitcoin n’ayant aucune transaction suspecte dans son histoire est propre. Par ces déterminations n’ayant de sens que pour l’humain, un jeton bitcoin ne vaut pas un autre jeton bitcoin selon leur histoire, si bien que des services sont mis en place pour aider à retracer l’histoire d’un bitcoin.
Le problème de fongibilité
Se dit d’un objet fongible ce qui est remplaçable pour un objet de même nature et à valeur identique. C’est une propriété qu’on retrouve dans la monnaie fiduciaire — l’euro, le dollar, le yen, etc. — pour un billet de dix euros, je peux obtenir un autre billet de dix euros. Cette propriété fongible vient de l’opacité de l’histoire d’un billet. Sa seule information claire est son origine, la suite ne regarde que le billet.
La fongibilité est une propriété essentielle pour qu’une monnaie soit un bon médium d’échange. À raison, comment serait-il possible de rendre la monnaie suite à un échange si chaque pièce tenait sa valeur d’abord de sa valeur propre, ensuite de son histoire ? C’est un médium d’échange impraticable. Evidemment, libre à l’humain de mettre de côté ses tables — ou de les renverser — et d’ignorer l’histoire d’un jeton, ne le prendre que pour sa valeur. Mais si nous restons pragmatiques, nous n’avons aucun contrôle sur cette tendance, si certains décident de discriminer, de facto le bitcoin devient une monnaie discriminée.
Mais alors, le bitcoin sera discriminé à vie ?
Ce serait une bien triste destinée.
Il existe des moyens qui pourraient empêcher de connaître l’histoire d’un bitcoin. Aujourd’hui pour sécuriser les transactions Bitcoin les signe en utilisant la cryptographie sur courbe elliptique — précisément ECDSA.
L’équipe qui travaille sur Bitcoin — c’est OpenSource ! — prévoit de mettre en place une nouvelle méthode de signature qui permettra de « flouter » les transactions et donc de rendre impossible de connaître l’histoire d’un bitcoin : c’est le Schnorr. Mais ça, c’est pour 2018, gardez un œil !
Je produis des vidéos sur YouTube pour parler de ces sujets et pour également disséquer la technologie blockchain — Bitcoin par exemple. L’objectif est de répondre aux questions à ceux qui ont du mal à comprendre l’essence de cette technologie mais qui veulent s’y intéresser !