L'argent ! Y a-t-il quelque chose qui intéresse plus le monde moderne que l'argent ? Pour la plupart, nous apprécions l'argent car il intervient dans la satisfaction de nos désirs les plus communs. Eau, nourriture, vêtements, logement, chauffage, électricité, outil de travail, culture, et même position sociale : tout semble s'obtenir par son intermédiaire. L'argent est le symbole de la richesse. Certains l'adulent, d'autres en font la cause de tous les maux : toujours est-il que le sujet a un enjeu réel, tangible pour la quasi-totalité des êtres humains.
Si je veux parler aujourd'hui de la monnaie (terme plus correct pour décrire ce que nous appelons « argent »), c'est pour parler de l'avancée sans précédent que représentent les cryptomonnaies, et du potentiel qu'elles ont d'œuvrer pour la liberté. L'engouement récent qui est en train de se former dans le monde financier et médiatique autour de la « technologie blockchain » ne fait que confirmer le bouleversement économique qu'elles pourraient provoquer.
La monnaie est usuellement définie comme un bien remplissant trois fonctions :
- Elle a un rôle d'intermédiaire dans les échanges : en étant universellement reconnue, elle résout les problèmes d'un hypothétique troc.
- Elle constitue une réserve de valeur dans le temps : elle permet d'accumuler du travail fourni pour n'en récupérer les produits que bien plus tard.
- Elle sert d'unité de compte pour le calcul économique ou la comptabilité : c'est un moyen standard d'exprimer la valeur des autres biens.
Dans l'histoire de l'humanité, les marchandises servant de monnaie ont été nombreuses (bétail, sel, coquillages, graines de cacao, etc.), mais ce sont les métaux précieux comme l'or et l'argent qui ont été adoptés le plus largement pour cet usage, en raison de leur rareté, de leur inaltérabilité, de leur divisibilité et vraisemblablement de leur beauté. Aujourd'hui, nous utilisons des billets et des pièces n'ayant plus aucune valeur intrinsèque (appelés liquide ou espèces) et des écritures dans les registres des banques (appelés comptes bancaires). En fait, ce qui caractérise la monnaie, c'est une construction psychologique : chacun apporte de la valeur à sa monnaie parce qu'il est convaincu qu'elle va lui permettre d'acheter d'autres biens à ses semblables (qui lui apportent de la valeur pour la même raison).
Maintenant qu'est-ce que la cryptomonnaie ? Pour expliquer brièvement en quoi consistent les cryptomonnaies, il convient de parler de la première d'entre elles, le bitcoin. Bitcoin est un protocole d'échange d'informations pair-à-pair fonctionnant sans autorité centrale, créé en 2008 par Satoshi Nakamoto et mis en pratique à partir du 3 janvier 2009. Ce protocole open-source gouverne l'émission et les transactions d'un jeton (token) du même nom qui a vocation à être une monnaie : le bitcoin (qu'on écrit en minuscules pour différencier la monnaie du protocole). Bitcoin utilise différentes technologies cryptographiques : c'est pour cela qu'on parle de crypto-monnaie.
L'ensemble de tous les échanges effectués entre ses utilisateurs depuis sa création est enregistré dans un immense registre public appelé chaîne de blocs ou blockchain. Pour initier une transaction, il suffit à un utilisateur de l'écrire dans la blockchain à l'aide du protocole. Contrairement au cas d'un virement bancaire qui aurait besoin d'être validé par les banques concernées, Bitcoin s'affranchit d'un tiers de confiance : la fiabilité du système repose sur le fait que la validation d'un bloc (un ensemble de transactions) demande la résolution d'un problème cryptographique nécessitant une grande puissance de calcul. Cette validation, appelée preuve de travail, offre à celui qui la réalise une récompense se composant de bitcoins créés par le protocole (ainsi que d'éventuels frais de transaction). C'est ce qu'on appelle le minage (en référence aux mineurs d'or) et c'est la seule façon d'augmenter la masse monétaire du bitcoin.
Le bitcoin est une monnaie déflationniste dans le sens où la quantité de bitcoins pouvant être créés est limitée à 21 000 000. La rémunération par bloc (actuellement de 12,5 BTC) est réduite de moitié tous les 210 000 blocs (soit environ tous les 4 ans), et s'arrêtera aux alentours de 2140. C'est pour cette raison que, si l'intérêt pour le bitcoin ne cesse pas de s'accroître, sa valeur augmentera au fil des années.
Autre détail important, la « gouvernance » de Bitcoin repose sur un consensus de la communauté, c'est-à-dire sur l'équilibre entre les intérêts de chacun : le conservatisme des développeurs, la cupidité des mineurs, la demande d'amélioration des utilisateurs. Il ne s'agit pas d'un système démocratique (personne ne vote à proprement parler) mais plutôt économique. La gouvernance émerge en effet du choix du logiciel (la version du protocole) que les utilisateurs lancent sur leur ordinateur. Les mineurs ont une grande influence sur ce choix car c'est eux qui valident la chaîne : si n'importe qui peut créer sa propre version de Bitcoin, n'importe qui n'est pas assuré que les mineurs le suivront. Cependant, leur pouvoir est limité car ce sont les utilisateurs qui donnent de la valeur au bitcoin, et qui donc vont agir sur les revenus du minage. La solidité du protocole est basée sur un ordre spontané produit par l'ensemble des actions volontaires des individus. La gouvernance de Bitcoin peut être comparée à celle du langage humain : personne ne le gouverne réellement (n'en déplaise à l'Académie Française), son évolution résulte du choix des règles que vont appliquer les membres d'une communauté linguistique pour communiquer. Il s'ensuit que le protocole peut effectivement évoluer pour résoudre les problèmes qu'il rencontre (comme la récente congestion du réseau), mais que cette évolution est fastidieuse en raison de tous les intérêts en jeu.
Plus généralement, une cryptomonnaie est une monnaie numérique décentralisée qui repose sur un protocole cryptographique pair-à-pair. Elle peut avoir des différences techniques avec le bitcoin : Litecoin utilise une autre fonction de hashage (Scrypt), Ethereum met en avant la réalisation des contrats auto-exécutables, Monero propose une anonymisation des transactions, Dash permet des transactions instantanées. Cependant, elles en conservent les principales caractéristiques et en particulier l'absence de recours à un tiers de confiance pour procéder à une transaction. En ce sens, les cryptomonnaies sont des concurrentes sérieuses aux monnaies « traditionnelles » qui demandent l'intervention des banques et des États pour fonctionner.
Le bitcoin s'est fait connaître auprès du grand public en 2013 lorsque son cours est monté à plus de 1000 $ avant de chuter dramatiquement début 2014 suite à la faillite de Mt. Gox. C'était le début d'un nouvelle ère. Depuis, la confiance globale dans les cryptomonnaies s'est consolidée. De plus en plus de monde s'y intéresse. En dépit de la volatilité du marché, les investissements se sont intensifiés et les projets dans le domaine se sont multipliés (notamment sur le réseau Ethereum). En mars 2017, la capitalisation boursière totales des cryptomonnaies s'approchait des 25 milliards de dollars ; début juin 2017, soit 3 mois plus tard, elle avait quadruplé en atteignant les 100 milliards de dollars. Bien que nous pouvons nous attendre à de fortes corrections du marché dans les mois à venir, et même à un krach en cas de défaillance technique (il ne faut pas oublier le caractère expérimental de ces technologies), nous sommes peut-être à la veille d'un âge d'or des cryptomonnaies. Pour ma part, je m'étonne chaque jour de cet écosystème qui ne cesse d'évoluer.
Lug Axker.
AUTRES PARTIES
Partie 1/3 : Monnaie et cryptomonnaie
Partie 2/3 : Le règne des monnaies fiat
Partie 3/3 : La liberté cryptomonétaire
C'est VRAIMENT bien écrit. Un bon texte pour introduire les cryptomonnaies aux novices. Merci pour ce bon travail :)
Merci beaucoup ! Je ne sais pas si c'est tout à fait abordable pour les novices (il y a des explications mieux faites), mais mon intention était de donner une idée du pourquoi des cryptomonnaies.
Crypto-monnaies = émancipation ! Lorsque je lis ça : http://www.lecho.be/economie-politique/belgique-economie/La-moitie-du-PIB-belge-a-pris-la-direction-des-paradis-fiscaux/9923194?ckc=1&ts=1503409764 ou encore ça http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20170823.OBS3687/bientot-a-la-retraite-pierre-gattaz-s-offre-un-chateau-a-11-millions-d-euros.html, je me dis qu'heureusement que SATOSHI (et sa bande?) a livré un magnifique bien commun à l'humanité : la blockchain. Les intermédiaires, politicards de professions, entreprises ubérisantes et autres parasiteurs en tous genres auront vite fait d'aller se rhabiller !
Merci pour cette agréable lecture :-)
Merci du compliment et du resteem ! 😌
Article sous évalué... Merci pour le partage.