Etant bilingue, depuis toute ma vie je souffre d’un dédoublement de personnalité. 👯 En passant d’une langue à l’autre, je change de voix, de gestes, de mimique. Bref, je suis 2 personnes différentes. Je me demande comment ça se passe chez les bilingues français anglais (les Québécois pourront certainement me dire quelque chose là-dessus) ou français espagnol ou ceux qui ont grandi avec d’autres combinaisons de langues, mais du russe et du français dans la même tête, je peux vous dire, c’est du boulot.
Une langue ce n’est pas seulement la syntaxe et le vocabulaire mais c’est aussi la mentalité. C’est ce que je dis toujours à mes étudiants: c’est au niveau avancé que ça devient le plus délicat. Quand tu peux expliquer et comprendre plus ou moins tout, les gens ne s’attendent pas à ce que tu fasses des gaffes et du coup, ils sont plus sensibles quand tu dis une bêtise ou quand tu emploies mal un mot ou une expression. On pardonne tout à un débutant qui fait des efforts pour parler dans ta langue maternelle. Par exemple, un ami américain qui a vécu dans mon appart à Moscou pendant une semaine, saluait tout le monde dans l'immeuble avec un grand sourire et un "priviet" (salutation informelle, l'équivalent de "salut"). Les voisins l'adoraient pour son accent anglais et sa simplicité, personne n'a jamais été vexé de son tutoiement. Mais si quelqu'un qui parle russe sans accent se met à tutoyer les gens qu'il voit pour la première fois, il aura probablement des difficultés de communication.
C’est quand la langue fait déjà partie de ta personnalité qu'arrivent des malentendus, parfois drôles, parfois pas trop. J’ai beau l’expliquer à ceux qui apprennent le français comme langue étrangère, il y a des années je suis moi-même tombée dans le piège, dont je ne me suis rendu compte que maintenant. Je partage donc avec vous ma petite découverte.
A un moment, j'ai réalisé que j’arrivais mieux à expliquer aux gens ce que je voulais et à l’obtenir (demander un service, un renseignement, négocier un prix, formuler une réclamation) quand je le faisais en français (avec des francophones évidemment 😄) que quand j’avais à faire la même chose en Russie. Disons qu’en Russie ça me demande plus de temps et plus d’efforts. Alors que je le maîtrise très bien le russe, c’est ma langue maternelle. Je me disais que les Russes étaient peut être plus flemmards et moins organisés, donc il fallait vraiment insister pour avoir quoi que ce soit. Mais un jour mon copain m’a observé faire des remarques à un serveur qui faisait très mal son service mais qui ne semblait en avoir rien à faire de mon mécontentement. Il m’a dit que mon message avait zéro effet sur le gars parce que j’étais trop polie. Les Russes ne comprennent pas le “pourriez-vous” et le “je voudrais”. Il faut un impératif et un point d’exclamation. 👊❗️Mais si on veut quand même être poli? Un “s’il vous plaît” fera l’affaire. D’abord je me suis dit qu’il exagérait mais après avoir réfléchi je pense qu’il a raison. Il y a une grande différence entre la politesse française et la politesse russe. Si on prend toutes les formes françaises utilisées dans une lettre formelle et qu’on les reproduit dans une phrase russe, un Russe non francisé aura du mal à comprendre le message. Le “si vous pouviez me renseigner, je vous serais reconnaissant” donnera en russe un message si flou que votre renseignement, vous pouvez l’oublier.
Depuis cet épisode j’ai fait des observations sur les réactions des Russes à une demande polie à la française (dont apparemment j’abuse) et une demande polie à la russe (l’impératif+le s’il vous plaît). Devinez laquelle passe le mieux? Le problème pour moi c’est que quand je dis en russe “apportez-moi le menu” je me sens terriblement mal à l’aise, comme si j’agressais la personne en lui donnant des ordres.🙈 Alors que la personne "agressée" n’a pas du tout l’air dérangée par cet autorité (exagérée à mes yeux) et mon menu je l’ai en 30 secondes. Si, par contre, je commence à réciter le poème “excusez-moi, pourriez-vous….”, je me fais à peine entendre.
En m’exerçant dans la politesse russe, je me suis rappelée précisément le moment où j’ai fait cette fixation avec le conditionnel. Il y a des années, en Suisse, je me suis exprimée (dans les meilleures intentions) avec un “je veux” à la place de “je voudrais” et j’ai eu pour réponse quelque chose “à vos ordres, mon général” et la réputation d’une fille snob et autoritaire. On m’a même dit que ce “je veux” c’était mon côté russe. Et que je devais tenir ça de mon grand-père qui était un grand chef militaire. Tout ça pour un “je veux” mal placé. J’en ai presque pleuré. Depuis, je l’ai bien caché mon chef militaire, pour communiquer en douceur. Et maintenant je fais appel à lui quand JE VEUX vraiment quelque chose, en russe)) Et ça marche!👮
Tout ça pour dire qu’on arrête pas d’apprendre dans la vie, même quand il s’agit de sa langue maternelle.
Pour bien vivre dans les deux milieux, il ne suffit pas de passer d’une langue à l’autre au bon moment. Il faut carrément changer de chaîne dans sa tête. Sauf que parfois il y a des bugs dans le système. On change de langue mais on reste sur l’autre chaîne. Et vice versa. Les psychologues spécialisés dans le bilinguisme en savent certainement quelque chose.
Une langue ce n’est pas seulement la syntaxe et le vocabulaire mais c’est aussi la mentalité. C’est ce que je dis toujours à mes étudiants: c’est au niveau avancé que ça devient le plus délicat. Quand tu peux expliquer et comprendre plus ou moins tout, les gens ne s’attendent pas à ce que tu fasses des gaffes et du coup, ils sont plus sensibles quand tu dis une bêtise ou quand tu emploies mal un mot ou une expression. On pardonne tout à un débutant qui fait des efforts pour parler dans ta langue maternelle. Par exemple, un ami américain qui a vécu dans mon appart à Moscou pendant une semaine, saluait tout le monde dans l'immeuble avec un grand sourire et un "priviet" (salutation informelle, l'équivalent de "salut"). Les voisins l'adoraient pour son accent anglais et sa simplicité, personne n'a jamais été vexé de son tutoiement. Mais si quelqu'un qui parle russe sans accent se met à tutoyer les gens qu'il voit pour la première fois, il aura probablement des difficultés de communication.
C’est quand la langue fait déjà partie de ta personnalité qu'arrivent des malentendus, parfois drôles, parfois pas trop. J’ai beau l’expliquer à ceux qui apprennent le français comme langue étrangère, il y a des années je suis moi-même tombée dans le piège, dont je ne me suis rendu compte que maintenant. Je partage donc avec vous ma petite découverte.
A un moment, j'ai réalisé que j’arrivais mieux à expliquer aux gens ce que je voulais et à l’obtenir (demander un service, un renseignement, négocier un prix, formuler une réclamation) quand je le faisais en français (avec des francophones évidemment 😄) que quand j’avais à faire la même chose en Russie. Disons qu’en Russie ça me demande plus de temps et plus d’efforts. Alors que je le maîtrise très bien le russe, c’est ma langue maternelle. Je me disais que les Russes étaient peut être plus flemmards et moins organisés, donc il fallait vraiment insister pour avoir quoi que ce soit. Mais un jour mon copain m’a observé faire des remarques à un serveur qui faisait très mal son service mais qui ne semblait en avoir rien à faire de mon mécontentement. Il m’a dit que mon message avait zéro effet sur le gars parce que j’étais trop polie. Les Russes ne comprennent pas le “pourriez-vous” et le “je voudrais”. Il faut un impératif et un point d’exclamation. 👊❗️Mais si on veut quand même être poli? Un “s’il vous plaît” fera l’affaire. D’abord je me suis dit qu’il exagérait mais après avoir réfléchi je pense qu’il a raison. Il y a une grande différence entre la politesse française et la politesse russe. Si on prend toutes les formes françaises utilisées dans une lettre formelle et qu’on les reproduit dans une phrase russe, un Russe non francisé aura du mal à comprendre le message. Le “si vous pouviez me renseigner, je vous serais reconnaissant” donnera en russe un message si flou que votre renseignement, vous pouvez l’oublier.
Depuis cet épisode j’ai fait des observations sur les réactions des Russes à une demande polie à la française (dont apparemment j’abuse) et une demande polie à la russe (l’impératif+le s’il vous plaît). Devinez laquelle passe le mieux? Le problème pour moi c’est que quand je dis en russe “apportez-moi le menu” je me sens terriblement mal à l’aise, comme si j’agressais la personne en lui donnant des ordres.🙈 Alors que la personne "agressée" n’a pas du tout l’air dérangée par cet autorité (exagérée à mes yeux) et mon menu je l’ai en 30 secondes. Si, par contre, je commence à réciter le poème “excusez-moi, pourriez-vous….”, je me fais à peine entendre.
En m’exerçant dans la politesse russe, je me suis rappelée précisément le moment où j’ai fait cette fixation avec le conditionnel. Il y a des années, en Suisse, je me suis exprimée (dans les meilleures intentions) avec un “je veux” à la place de “je voudrais” et j’ai eu pour réponse quelque chose “à vos ordres, mon général” et la réputation d’une fille snob et autoritaire. On m’a même dit que ce “je veux” c’était mon côté russe. Et que je devais tenir ça de mon grand-père qui était un grand chef militaire. Tout ça pour un “je veux” mal placé. J’en ai presque pleuré. Depuis, je l’ai bien caché mon chef militaire, pour communiquer en douceur. Et maintenant je fais appel à lui quand JE VEUX vraiment quelque chose, en russe)) Et ça marche!👮
Tout ça pour dire qu’on arrête pas d’apprendre dans la vie, même quand il s’agit de sa langue maternelle.
Pour bien vivre dans les deux milieux, il ne suffit pas de passer d’une langue à l’autre au bon moment. Il faut carrément changer de chaîne dans sa tête. Sauf que parfois il y a des bugs dans le système. On change de langue mais on reste sur l’autre chaîne. Et vice versa. Les psychologues spécialisés dans le bilinguisme en savent certainement quelque chose.
S’il y a des bilingues parmi vous, ce serait super de lire vos expériences à vous.😉
A très bientôt.
Hey @anikanam, je partage 100% ton sentiment !
Ma langue maternelle est le français, mais j'étais à l'école en Néerlandais. Par la suite j'ai aussi appris l'anglais et vécu en Argentine.
Bonjour le(s) dédoublement(s) :laughing:
Génial pour l'ouverture d'esprit, mais, en effet, quand une langue prend le dessus sur la manière de penser, même dans les autres langues, on s'y perd et le message ne parvient pas toujours de la manière voulue.
Malheureusement peu de solution à part l'immersion totale et la prise de conscience, souvent grâce à un observateur extérieur comme ton ton copain.
L'analyse des différents codes sociaux liés à la politesse est très intéressante !
L'humour est un autre sentier ardu...
Entre le français, le néerlandais, l'anglais et l'espagnol tu dois bien t'amuser))) Merci de ton commentaire, il m'a beaucoup rassurée (sans blague)😊 à propos de l'humour dans les langues différentes, on peut écrire un roman là-dessus...))