Nous pouvons bien traiter maintenant du travail diagnostique. Nous entrons là dans le domaine, à proprement parler, complexe. Je souhaite expliquer une idée générale. Instruits par des années d’enseignement courant entre 1968-1980, j’ai ensuite observé une évolution culturelle en masse, sociale. C’est anecdotique mais indicatif ; nous savons qu’à partir des années 80 une mode s’est développée sur un engouement pour les ‘marques’. Un stratégie du consumérisme en est une explication de façade. Quelque chose de plus profond était entré en action (au demeurant indiqué par Lacan au titre du déclin de la nomination). En termes anciens et classiques de la psychanalyse on peut évoquer une fonction d’un "Surmoi" et prosaïquement dire que l’identité sociale s’est attachée à des étiquettes. C’est un phénomène profond ; nous pouvons nous en avertir. En psychiatrie plutôt qu’à la recherche de sa psychologie profonde, le patient s’est mis en quête d’un diagnostique, strictement comme la valeur d’une chose devenait celle de sa marque. C’est tout une civilisation qui s’oriente actuellement vers cette logique. C’est une tendance qui a de bonnes raisons, certainement utile au développement sans heurt d’une domination générale par le numérique, informatique et intelligence artificielle. C’est donc sans opposition qu’on peut faire ce constat. Un diagnostique fondé sur des normalisations statistiques est devenu de règle avec par conséquent une médication tout aussi automatique. C’est une situation historique aussi justifiable que des guerres ou des purges et il est également attendue que la psychiatrie officie, comme la police ou les armées chacune dans son secteur, à cette mise en rang. On ne peut donc pas déplorer que quiconque réclame un diagnostique et on doit espérer que cela l’apaisera avec la drogue (ou la sanction) auquel il aura droit en conséquence.
À cela s’ajoute une sorte de vernis – par quoi la psychiatrie persiste briller : on se rend compte que cette normalisation, par elle-même, crée une pathologie mentale. Nous ne souffrons pas d’être étiqueté comme cela (ce qui s’entend dans les deux sens : cette étiquetage anesthésie notre conscience – et en même temps, par la vertu de l’Inconscient, nous ne l’acceptons pas). Dans un second temps cette phase civilisationnelle s’apprête par conséquent à produire une réaction - et individuellement, de temps en temps, certaines personnes ne le supportent plus et se remettent à chercher une guérison profonde. C’est dans ces cas que la psychiatrie exerce effectivement sa fonction. C’est la manière dont je me positionne vis à vis de ma patientèle – mais évidemment sans pouvoir expliquer tout ce mécanisme en détail comme je viens de le faire, lorsqu’elle est précisément dans la démarche ou le stade de le refouler.
DWT@20161112175900 / flog
Apparemment vous n'etes pas un adepte du DMS5 !
Dans certains cas , c'est surtout la société qui est demandeuse d'un diagnostique pour savoir comment traité des individus qui la remette fortement en question, (ou qui nous remettent fortement en question) Question de choix ! (de soi ?)
Le DSM est apparu après ma formation - effectivement je ne l'ai pas adopté, mais il est très utile à réfléchir. Effectivement la société 'demande' un diagnostique - et sur la base de ce qu'elle connaît (norme statistique) ; elle ne saurait pas assimiler et quoi faire quelque chose qui serait étranger (voir Monde de non-A) et qui n'y serait pas inscriptible. Il faut probablement ajouter une chose à ce premier grade d'uniformisation et d'identité collective. Quelque chose d'un peu inattendu. Par coïncidence ces moyens de surveillance et observation statistique se sont établis dans un monde qui développait une connaissance de la chimie cérébrale - laquelle de surcroît est très représentative de l'ADN (arbre synaptique et interface entre ADN et comportement). Lorsque nous introduisons des facteurs hétérogènes dans l'arbre synaptique, nous produisons un effet incalculable mais probablement très puissant sur l'évolution (le comportement adaptation/évolution de l'espèce). Par conséquent une opération est en cours, par le jeu de drogues ciblées et calculé sur les comportements généraux, entreprise de manière aveugle et inconsciente. C'est une circonstance très favorable sinon idéale pour une métamorphose.