Après l’épreuve, les pubs. Les répétitions terminées, souvent vers minuit ou & heure du matin, j’aimais beaucoup aller me détendre dans un pub anglais dans lequel on jouait du jazz. A chaque ville dans laquelle je jouais, je cherchais un de ces pubs, et je me plantais au bar, cigarette « gauloise troupe » au bec. Quand on aime la provocation on ne recule devant rien, même fumer des Gauloises de l’armée quand on est chanteuse d’opéra. Heureusement, j’avais une voix solide.
Par alternance avec le classique, j’aime énormément le jazz vu que j’ai eu deux formations : classique de part mes parents, et de jazz de part mon oncle qui était musicien de jazz à l’Eléphant blanc à Paris.
Je passais tous mes étés à Biarritz où il avait son orchestre au casino. D’ailleurs pour mes 15 ans, il descendis de l’estrade, tous les musiciens habillés en blanc, pour venir à ma table et jouer « romantica ».
Lui détestait le classique, il trouvait ça ringard. Si bien que les repas familiaux, avec mon père intégriste du classique finissaient toujours par un pugilat.
Donc son empreinte orienta cette attirance pour le jazz.
Ce jour là, j’étais à Gant en Belgique car je chantais à l’opéra Manon de Jules Massenet. L’après-midi, j’avais couru tous les magasins de la ville pour me trouver une robe bien précise, rouge, longue, fendue sur les côtés, avec une capuche.
Je fis donc mon entrée dans le pub « Oliver Twist » avec ladite robe. Il se trouva qu’il y avait au bar une jeune femme qui avait exactement la même robe que moi.
Le très beau patron du pub se pencha vers moi et me dit à l’oreille « entre parenthèse, elle vous va beaucoup mieux. Puis-je vous offrir du champagne ? »
Je lui répondit « ça gaze »
Il me demanda ce que je venais faire à Gant, et je lui répondis que je venais chanter à l’opéra. Il éclata de rire et âme répondit « c’est pas bien de se moquer de moi, vous n’avez rien d’une chanteuse d’opéra question look ». A l’époque évidemment elles étaient toutes très plantureuses alors que moi je ne pesais que 45kg.
Il me demanda d’attendre la fermeture du pub pour m’amener danser. Ce que je fis, jusqu’au bout de la nuit.
Puisqu’il ne vous pas me croire, je lui offris une invitation pour le spectacle du lendemain. A la fin de la représentation, il était sur le pas de la porte de ma loge et n’osait pas rentrer, tellement impressionné par ma voix.
Nous nous vîmes pendant une dizaine de jours, plutôt de nuits. A la fin des représentations, il rentra dans ma loge et me dit :
« Je t’aime, tu es l’amour de ma vie, je te suis en France ».
« Ah… »
Il a licencié tous les employés du pub, remis les clés à son avocat, et nous partîmes le lendemain matin en partance pour la frontière franco-belge. Nous voilà tous les trois à bord de sa décapotable AMG. Moi cheveux aux vent, et trois car son chien Oliver Twist était également avec nous !
Juste avant de passer le poste de contrôle, il arrêta la voiture et me dit : « J’ai quelque chose à te dire. Je suis interdit de séjour en France. »
J’étais suffoquée. Il n’ait pas voulu le dire plus tôt car il avait peur de ma réaction. Mais j’étais moi aussi tombée amoureuse de lui, à cause de son physique et de sa prestance.
Il fallait absolument que je prenne les choses en main, pour garder mon amour. Si je ne faisais rien, il serait refoulé à la frontière.
J’eu alors cette idée à la fois saugrenue et géniale d’étendre tous mes costumes de scène à l’arrière de la voiture, afin de faire diversion. Heureusement le chien a gardé son calme alors j’éparpillais toutes mes robes autour de lui.
Le coeur serré et inquiète, nous arrivons à la frontière et le douanier demande les papiers. Il se penche vers moi et dit :
« Je vous reconnais, vous avez chanté hier soir Manon à l’opéra de Gant. J’y étais ! Vous étiez l’incarnation de Manon ! Splendide à voir et à entendre. »
A défaut de demander les papiers, il m’a fait signer un autographe, et nous a laissé partir, mon passager clandestin et moi.
Quelques kilomètres plus loin, j’arrêtais la voiture et demanda des explications à mon bel amant. Il me répondit qu’il avait eu des démêlés avec une prostituée, mais ça ne m’arrêta pas. Nous avons continué notre route vers Bordeaux, où la tout commença et où le beau rêve s’effondra. Il avait un caractère bien trempé, et moi aussi d’ailleurs.
Quand je rentrais de répétitions de l’opéra de Bordeaux, il m’avait jeté tous mes vêtements, et remplacé ma garde robe par des vêtements de son choix, de grande marque évidemment. Il fallait que je me lève à 7 heures du matin, alors que j’avais répété la veille jusqu’à 1 heure, car selon lui ce n’était pas sain de dormir tard le matin.
Tout à l’avenant, je me lassais très vite de cette relation, et rompu brutalement. Mais la vie d’opéra continue, et si vous voulez connaître la suite, suivez-moi !
Vraiment passionnant, complètement absorbé par cette lecture.