Le camion dans lequel nous avions embarqué cheminait lentement dans la direction de Tombouctou. Nous n’étions plus les acteurs de notre avancée pour autant l’aventure n’était pas terminée. Se laisser conduire était un grand bonheur, délivré de l’appréhension des ensablements, crevaisons et autres pannes que nous aurions pu subir au volant de notre Mercédés. Les heures chaudes étaient longues et inconfortables, chacun se renfermait en lui, sommeillant si possible, pour les faire plus courtes. Le soir, assis dans le sable autour d’un grand plat de pâtes commun préparé par les chauffeurs, nous revivions les débuts de notre aventure en la racontant. Notre public, n’ayant rien d’autre à faire qu’à tuer le temps, nous était acquis. Nos compagnons apprirent comment nous avions financé, acheté et retapé la voiture mais ils étaient surtout intéressés par notre traversée de l’Algérie et de l’extrême nord Mali, plus proche de leur quotidien. (Voir les épisodes précédents).
Une vie de camion
Les chauffeurs étaient Touareg et c’était un nouvel enchantement de découvrir leur façon d’être. Nous connaissions ce peuple popularisé dans l’imagination Européenne par la photo, classique, d’un guerrier Touareg monté sur son grand chameau, chèche bleu lavé de frais, fusil à la main. La réalité que nous rencontrions était bien différente mais pas moins intéressante. Nos Touareg étaient ouvriers, chauffeurs, aides chauffeur ou apprentis, mécaniciens aux compétences diverses. Ils sillonnaient les pistes pour gagner leur vie, ramener de quoi manger á leur famille.
Prenant, petit á petit, notre place dans le convoi nous aidions comme nous pouvions, nous appropriant la façon de faire et d’être de nos compagnons de voyage en nous rendant utile. Parlant beaucoup et posant de nombreuses questions nous sommes arrivés au but sans nous en rendre compte, transformant un voyage que certains auraient pu trouver long et pénible en une source de découverte et de connaissances nouvelles. Les aventuriers devenaient des voyageurs.
Nous étions devant Tombouctou, la perle du désert. Pas de panneau d’entrée comme dans nos villes ou villages Européens mais, sans aucun doute possible, nous entrions dans la cité mythique. Un des chauffeurs nous avait proposé de nous héberger dans sa famille le temps de notre séjour et nous avions accepté. Nous devions attendre deux jours le départ d’un autre camion, qui nous amènerait vers Mopti puis au delà Bamako où nous chercherions un billet de retour. Bien que tardive à cette époque, la rentrée universitaire faisait plus qu’approcher.
Tombouctou, au coeur du mythe
En attendant nous allions explorer la ville aux 333 saints. Trois type de population s’y mélange : les Touareg, les Songhaïs et les Arabes. Chacun d’entre eux vous dira qu’ils sont les créateurs de la ville, appuyant son idée par une histoire bien documentée. C’est au XVème siècle que Tombouctou connait son heure de gloire et fabrique sa légende. C’est la construction de la mosquée et l’université Islamique qui s’est développée puis a acquis une grande réputation dans l’Afrique de l’ouest qui assure sa nouvelle puissance. Elle devient de fait un carrefour de commerce important accumulant les richesses.
Au XX siècle, Tombouctou n’était plus qu’une ville ordinaire de la bande Sahélique. Menacée par l’avancée des dunes de sable recherchées par les touristes. Devant les vestiges, principalement la mosquée, de cette époque glorieuse, il fallait être capable d’un effort d’imagination et d’une connaissance historique pour l’apprécier. Nous étions trop jeune, n’avions ni la connaissance ni la patience imaginative.Force est de reconnaitre que nous avons été déçu de Tombouctou, parce que nous en attendions trop. Erreur de béotiens car, pour la petite histoire, Tombouctou fût classée au patrimoine de l’humanité par l’UNESCO moins de 10 ans plus tard. La richesse de Tombouctou est cachée dans ses manuscrits anciens, conservés par les grandes familles, dans ses mausolées et ses tombeaux qui ont bien plus tard étaient en partie détruits par les Islamiste Salafistes.
Trois jours plus tard ni nouvelles ni camion. Nous avions d’ailleurs réalisé qu’il n’y avait pas de camion effectuant ce trajet, à cause du bac traversant le fleuve Niger au sud de la ville. Il allait falloir se débrouiller autrement. Il fallait d’abord se rendre au port, à 12 kilomètres de là. Port fluvial bien entendu.
A la poursuite de la civilisation
Nous partîmes donc à pieds, de grand matin, pour cette première étape. Nous avons eu la chance d’y trouver, le jour même, un embarquement sur une petite pirogue. Il avait plu au mois de septembre et la petite embarcation pouvait encore remonter le cours du fleuve. C’est dans les odeurs de poissons, le bruit du moteur lorsqu’il fonctionnait et un espace extrêmement restreint permettant à peine de se redresser au risque de faire basculer le frêle esquif que nous égrainions les kilomètres vers le sud.Le transport était bon marché mais dés que nous avons pu nous en avons changé pour un camion, plus rapide et moins inconfortable. Deux jours plus tard nous étions à Mopti oú deux solutions s’offraient á nous pour continuer. Un bateau plus grand et plus confortable ou le taxi brousse. Nous avons choisi la seconde car personne ne pouvait nous dire quand le bateau allait partir, il n’était même pas arrivé. Comme la plupart des fleuves Africains le Niger est large mais peu profond. Des bancs de sable rendent l’avancée complexe et la moindre erreur peut couter des jours de retard.
Le taxi brousse est une expérience qu’il faut vivre au moins une fois en Afrique. C’est un taxi collectif. Lent, bondé, bruyant, inconfortable, il s’arrête sans arrêt. Il ya certes des arrêts prévus mais le chauffeur s’arrêtera à chaque sollicitation, embarquant un passager supplémentaire dans un espace oú il y en a déjà 10 de trop. Il arrive qu’un passager ne fasse qu’un ou deux kilomètres obligeant le véhicule à deux arrêts successifs. Mais peu importe il faut rentabiliser et ces petits profits restent probablement dans la poche du chauffeur. Les chèvres, poules et autres bagages encombrant sont, en général, placés sur le toit.
Plusieurs jours plus tard nous étions à Bamako, les discussions avec les autres passagers nous avaient fait entrevoir beaucoup de réalités Africaines. Je me souviens avoir été dépaysé par la notion d’ethnie et de langues diverses. A peine aviez vous appris à dire bonjour ou merci dans la langue que l’avancée, pourtant peu efficace du taxi, vous avez propulsé dans une autre culture.
A Bamako nous sommes partis chercher une agence de voyage. Nous sommes vite rendu compte que les prix des billets pour rentrer en France étaient très cher, Bamako n’était probablement pas une destination touristique dans ces années. Quelqu’un nous a suggéré que les prix seraient divisés par deux voire trois si nous allions jusqu’à Dakar. Qu’à cela ne tienne, à 18 ans, vivant notre quotidien, inconscients du temps qui passe, nous n’étions plus à quelques semaines prés.
Super histoire de voyage.
Merci @deboas. En attendant tes histoires sud américaines ...
Toujours aussi intéressant. Je passe à la suite ...
Merci @patricklemarie ... des vieilles histoires ...