Combien de temps ? Le soldat qui nous avait escorté jusqu’à cette immense tente militaire élevée en plein désert ne pouvait pas nous répondre. Passeports et appareils photos confisqués nous étions au bon vouloir de l’armée Marocaine. Nous avions passé une frontière interdite, il fallait maintenant assumer et régulariser notre situation.
En attente sous tente
De prime abord, la tente était spacieuse pour nous quatre. Malheureusement, par un prompt renfort, nous nous retrouvâmes très nombreux quelques heures plus tard. On ne sait d’oú, arrivait progressivement plus de candidat au passage. La plupart étaient des émigrants en voyage vers l’Europe qui allaient trouver ici une des nombreuses escales forcée de leur voyage. Pas la pire, probablement. Les rapports étaient cordiaux, nous partagions les mêmes craintes. Les biens matériels étant considérés comme collectifs nous devions faire un peu attention. Je l’ai réalisé assez vite quand ma bouteille de gaz, qui devait me durer un mois, m’est revenue vide en quelques heures.La journée il faisait très chaud. Dehors, à la rage du soleil, on ne résistait pas longtemps. Le paysage presque blanc à perte de vue où tout se renouvelait à l’identique, ne présentait aucun attrait pour le visiteur involontaire. De nombreux déchets témoignaient de l’attente des infortunés voyageurs et de la totale indifférence des autorités en la matière. Les nuits étaient plus agréables, aucune source lumineuse ne venait entraver la vision d’un ciel noir parsemé d’étoiles, éternelles compagnons de voyage dans le désert.
Dans la tente les conditions de vie étaient inconfortables, on s’y entassait pour se protéger du soleil dans une chaleur que la promiscuité rendait plus étouffante encore. Sur le sol, à même la poussière, les uns sur les autres, nous nous respections sans apprendre à se connaitre, chacun préoccupé par sa précaire situation. L’attente est la partie la plus difficile, puisant dans le réservoir de patience, laissant l’esprit construire des scénarios toujours plus catastrophiques, l’attente mine le moral du voyageur le plus aguerrit.
La dernière escorte
Nous avons passé trois nuits dans cet endroit, c’est quand le temps commençait à perdre ses repères que surgît soudainement un militaire muni de nos passeports et l’ordre de nous escorter jusqu’à la prochaine étape. Jeter les affaires dans les voitures, saluer les compagnons d’infortune nous pris peu de temps. Quel plaisir de retrouver un peu d’activité, roulant sur cette route déserte de l’extrême sud Marocain. Au fil des longues et monotones heures, j’ai pu reconstituer, avec l’aide du militaire, ce qui c’était passé. Nos passeports avaient étaient envoyés à Agadir pour vérification et autorisation d’entrée, puis retournés. Finalement, trois ou quatre jours, nous avions eu plutôt de la chance. Nous roulions actuellement vers Dakhla où le militaire nous confierait à la police qui finirait notre régularisation.Dakhla, le paradis du voyageur fatigué
L’arrivée à Dakhla, en bord de mer, était un émerveillement après tant de sable et de solitude. Si aujourd’hui Dakhla est devenu un grand centre de kitesurf très prisé par les amoureux de sports nautiques, il n’en était rien à l’époque. Dakhla était un minuscule village de pêcheurs, d’une tranquillité presque inquiétante. C’est là que nous avons profité de notre liberté retrouvée, après des formalités simples et rapides. Les passeports confiés à la police par l’armée nous ont été rendus avec un grand sourire et un ou deux tampons supplémentaires. Bienvenu au Maroc. Enfin.
Nous avons trainé un peu avec les pêcheurs de Dakhla pour connaitre un peu leur vie dans ce coin isolé du désert Marocain. Le plaisir de retrouver notre liberté de mouvement, de recevoir un bon accueil. Le plaisir également du climat que la brise marine rendait délicieusement doux. C’est à regret que nous avons repris la route, Dakhla avait été un havre de paix après la traversée depuis le banc d’Arguin. Plus de policiers, militaires ou guides, nous roulions vers Laâyoune la capitale du sud Marocain découvrant le Sahara occidental.Où l'on retrouve une ville
Depuis Dakar nous n’avions plus vu de ville, ce n’est pas que cela nous manquait mais petit à petit des besoins divers apparaissent et pouvoir faire des courses devient agréable. C’est à Laâyoune que l’on retrouve la civilisation. Une vraie ville avec son l’activité. J’éprouve une sensation étrange, j’avais souvent voyagé au Maroc lorsque j’habitais en Europe et le pays me semblait pauvre. Venant d’Afrique noire cette fois la sensation est inversée, je le trouve riche et développé. Tout est si relatif.
Laâyoune est une ville relativement riche, elle a profité de la volonté du gouvernement Marocain de développer les régions sud, le Sahara. Fonctionnaire payés largement, taxes réduites, produits subventionnés. Le Maroc administre le Sahara occidental depuis la fameuse marche verte en 1975 mais le territoire reste l’objet de revendications Sahraoui. Il faut dire que le phosphate y arrive sur le plus long tapis roulant du monde pour être traité et exporté depuis le port.
Je n’irai pas jusqu’à dire que le centre ville était beau mais c’était agréable de s’y promener sans autre but que la recherche d’un café où flâner ou d’une petite épicerie. Les contacts sont faciles, il faut juste savoir mettre fin aux discussions dés qu’elles deviennent politiques. Assez de complications administratives pour ce voyage. On trouve encore du monde qui parle l’Espagnol, souvenir d’une lointaine époque où leur présence ici était forte.
Les réservoirs remplis à ras bord de carburant détaxé, nous quittons Laâyoune. Seulement 500km nous séparent d’Agadir et du Maroc touristique, un autre monde, un autre voyage. C’est là que nous quitterons nos compagnons de route qui rentrent directement en France alors que nous partons pour une randonnée montagne chez des amis Berbères dans le nord du haut Atlas. La vallée des gens heureux, un nom prometteur.
Encore un super article. Je voyage sans bouger de mon canapé. Merci
Merci @deboas, c'est réciproque d'ailleurs
Magnifique merci de partager ces beaux moments
Merci à toi pour le lire @tinatoutou
Toujours aussi passionnant. Tu nous fait voyager par ta prose et tes photos.
Merci @patrickmarie, les photos datent un peu et ce n'était pas du numérique à cette époque c'est dommage.
Le moment vieux routard que l'on apprécie à 100% !