« Demain, et demain, et demain ! C’est ainsi que, à petits pas, nous nous glissons de jour en jour jusqu’à la dernière syllabe du temps inscrit sur le livre de notre destinée. »
C’est pas la classe de commencer son article par du Shakespeare ?Le 7e principe évoqué n’est évidemment pas là pour vous faire peur. Même si la dure réalité nous rattrape souvent, ne prenez pas mon titre au pied de la lettre. Ce n’est pas agréable à penser, c’est même impossible pour certains donc ne vous formalisez pas sur mon côté provoc.
Dans les faits, je vais tenter de démontrer toute l’utilité de cette citation : "On rencontre bien des gens qui se croient nécessaires et indispensables à tout le monde, et que rien ne mortifie davantage que de leur faire voir qu’on peut se passer d’eux. » [note]Edme de La Taille de Gaubertin ; Pensées et réflexions (1775)[/note]. Ou comment améliore-t-on le travail d’équipe et son propre travail en transmettant.
Il s’agit là du dernier principe de la série, pour les plus malins, vous l’aviez remarqué dans l’image de l’article : récapitulatif de la série principes.
Si vous n’êtes plus là demain ?
Imaginons, vous êtes sur le projet le plus important de votre vie, vous maîtrisez votre sujet et les autres se reposent sur vous. Et paf ! la girafe, vous loupez un virage, mort. Pour les plus sensibles disons que vous êtes dans le coma pendant 6 mois et que vous en ressortez sans séquelles. Pour les encores plus sensibles, vous démissionnez sur un coup de tête pour élever des chèvres dans le Larzac. Ou alors, c’est la fin du monde et… bon là, évidemment, tout le monde s’en fout du dossier Duchemol.Il y a globalement 1000 raisons de ne pas être présent au boulot, un matin. De là, plusieurs attitudes sont possibles :
« Après moi, le déluge »
Comme Louis XV, vous pouvez vous dire qu’après vous peu importe ce qui se passe, vous ne serez plus là, plus de conséquences (en tout cas pour vous). Cela marche effectivement si vous êtes mort, moins bien si vous êtes « qu’ailleurs ». Ce n’est finalement pas une si mauvaise attitude, si vous voulez que l’on vous oublie très vite. Ce n’est pas répréhensible, l’égoïsme n’est pas répréhensible, il est parfois nécessaire, mais il vous éloigne des autres. Il faut de plus qu’il soit total pour ne pas engendrer de frustration, ne plus s’intéresser à rien de votre travail et vous ennuyer très vite. Je ne suis pas convaincu de cette méthode.
Se rendre indispensable
« Les cimetières sont pleins de la personne irremplaçable, qui ont tous été remplacés. » Clemenceau. Voilà qui résume bien le fond de la pensée, personne n’est indispensable, il est donc inutile de faire de la rétention d’information, de planquer des notes, ou de verrouiller son carnet d’adresse en espérant que vous serez le seul à détenir l’information et donc être incontournable. Les autres ont accès à ces informations, ce sera plus long, moins facile, mais vous êtes contournable, ils ont aussi internet et des connaissances. Il est même envisageable que l’on prenne un malin plaisir à vous contourner.
La basse vengeance
Bon là, votre patron a couché avec votre épouse, vos collègues ont fait une pétition pour vous virer… Je peux comprendre qu’une certaine amertume vous guide et vous pousse à la technique de la terre brûlée, tendance Attila, voire à ch..r dans les tiroirs et remplir les agrafeuses de super glue. C’est vrai cela soulage et effectivement, je n’ai pas d’arguments. Par contre si le cas n’est pas si grave que cela, passer au paragraphe dessous.
Transmettre et partager
Une troisième solution consiste a faire en sorte que les autres puissent continuer à vivre et à travailler sans vous. Et c’est la seule façon de marquer les esprits.
Devenez inoubliable !
En fait, le seul moyen de vraiment être irremplaçable, c’est d’être inoubliable. Et pour cela, il faut laisser des traces plutôt que de les cacher.
Mettre en place une culture de l’écrit
Contrairement à l’oral, l’écrit reste et évite la désorganisation et la perte de temps. Rien de plus pénible que de s’entendre dire « Je ne sais pas, c’est mon collègue qui… » ou de faire ré-expliquer un problème à un type qui l’a déjà fait 3 fois et qui s’énerve.L’écrit est la mémoire, il permet de comprendre-apprendre-retenir mais cela est vrai surtout s’il est lisible, accessible et compréhensible. En laissant la trace écrite et en la partageant, vous permettez une montée en compétence plus rapide de vous-même, de vos collègues (nouveau venu ou pas) et une meilleure circulation de l’information. Vous devenez une sommité (au minimum) respectée dans votre domaine. Et pour peu que vos collègues fassent la même chose, ce qui est vivement conseillé, vous obtenez rapidement un pôle de connaissance commune partagée. Cette base de connaissance alimentée par tous les intervenants deviendra vite indispensable (voir le principe DRY dans cet article).
La trace écrite permet de réactiver un savoir afin de pouvoir le préciser, l’enrichir. Elle permet aussi d’en construire de nouveaux. Et celui qui laisse ces informations inscrit par la même son nom dans l’histoire de la boîte, collectivité, entreprises, école… Avec la mémoire de l’entreprise, vous devenez inoubliable et vous pouvez mourir en paix.
Pour l’anecdote, j’ai quitté, il y a plus de 10 ans, une collectivité pour laquelle j’avais rédigé un CCTP modèle ; Eh bien, je suis toujours aussi heureux de voir qu’il est encore utilisé (remanié et mis à jour, certes, mais à 70 %, ce sont mes écrits).
La plupart des savoirs se construisent de manière progressive, par enrichissements successifs (progressions spiralaires = progression, réactivation, croisement, réinvestissement). Il est donc important de pouvoir progresser en réactivant ces propres connaissances. Rien de tel qu’en rédigeant une fiche.
L’oral, parce que je le vaux bien
La transmission orale peut-être un bon moyen aussi, mais cela est nettement puissant et durable (même si des traditions orales traversent les siècles, on ne peut être certain de leur intégrité) que les écrits.L’important étant toutefois d’échanger, dans certaines professions médicales, cette transmission est plus rapide et permet un retour immédiat sur une incompréhension ou une explication. Elle est toutefois sujette à caution car doit être codifiée pour éviter les interprétations de langage, d’attitudes… Je vous conseille la lecture du travail de Anne Darmon Truc : https://www.infirmiers.com/pdf/tfe-infirmier-Darmon.pdf
Mais comme indiqué la transmission écrite reste toutefois à privilégier surtout pour diffusion à plusieurs collègues et à long terme.
Que laisser ?
Attention, je ne vous dis pas de tenir un blog journalier de votre vie au bureau (enfin vous faîtes comme vous voulez, la surabondance sera contre productive) mais transmettre, partager les informations. Un mail avant votre départ en vacances à vos collègues pour dire que M. Machin va rappeler et que le dossier est sur votre bureau ; Une procédure que vous avez réussie ou mise au point, décrite dans un document l’accompagnant (si vous vous faîtes un pense-bête, partagez-le…) ; etc. Pas besoin d’en faire des tonnes, demandez-vous juste ce que vous auriez aimé trouvé en arrivant, et quel collègue vous paru sympa (celui qui vous a expliqué le boulot, ou le vieux grincheux au fond qui a rien voulu vous dire et grommelant que les jeunes cela ne sait rien faire…) et faîtes la même chose.
Conclusion
Je résumerais un 1 mot (ou presque) : « Ne soyez pas indispensable, mais devenez inoubliable ! ». Il faut donc laisser ces notes comme si vous alliez mourir demain (pour les plus sensibles : ou partir tout court). On ne voit pas immédiatement le profit de laisser sa « trace » et partager ces connaissances. Cela peut être consommateur de temps au départ, cela vous oblige à lutter contre cette tendance à ne penser qu’à soi. Mais tout cela, c’est du temps de gagner par la suite pour vous et/ou vos collègues actuels et futurs.Même dans le cadre d’une basse vengeance, genre je brûle tous les dossiers avant de partir, n’oubliez pas qu’il est quand même important de partir la tête haute, en laissant une bonne impression et en plus cela va faire emm… ceux que vous détestez que vous soyez encore présent. Je ne peux pas prendre en compte tous les contextes évidemment.
Est-ce un grand principe ? [note] voir ma définition dans l’article [/note]
J’émets moi-même des doutes, car si l’universalité du principe (qu’il est mieux de laisser des écrits) est acquise, son évidence et sa mise en œuvre le sont beaucoup moins. Je résumerais toutefois ainsi : Partager vos connaissances comme si vous alliez partir demain.
Pour aller plus loin
- Référence électronique David Berliner, « Anthropologie et transmission* », Terrain [En ligne], 55 | septembre 2010, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 28 mars 2017. URL : http://terrain.revues.org/14035
- http://guide-ide.com/les-transmissions
- http://geoarchi.univ-brest.fr/sitec/ishs/index.html
Posted from my blog with SteemPress : http://pasq.fr/7eme-principe-serez-mort-demain/
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