Precious Plastic

Depuis quelques années, je m'intéresse aux solutions que les gens essaient d'apporter pour concilier technologies et développement durable, voir qui tentent de contrer le réchauffement climatique.

Si je crois que les nouvelles technologies ne peuvent pas apporter une solution à chacun de nos problèmes, je suis certain que l'on peut améliorer notre qualité de vie et notre empreinte écologique en l'utilisant de manière raisonnée.

Alors même si les véhicules entièrement fabriqués à partir de matières organiques* sont encore de l'ordre de la science-fiction, j'aimerais dans cette série d'articles vous présenter des solutions qui correspondent à ma vision d'un avenir technologique différent.

Je ne prétends pas avoir une vision globale du problème, des enjeux ou des solutions, mais je cherche au travers de ces articles à ouvrir la discussion et à échanger avec vous sur les différents sujets que nous allons aborder.

Pour ce premier article, j'aimerais vous parler de Precious Plastic qui est le projet qui m'a donné envie d'écrire ces articles.

Precious Plastic est un projet mené par le designer industriel néerlandais Dave Hakkens (qui était aussi à l'origine du projet Phonebloks) depuis 2013, il vise à démocratiser le recyclage du plastique à petite échelle. Pour cela ils ont créé une plateforme où ils partagent les plans de leurs machines ainsi que des conseils pour recycler au mieux toutes sortes de plastiques. Tout est open-source, vous pouvez fabriquer vous-même vos machines, y apporter les modifications que vous voulez. Vous pouvez même contribuer à l'évolution du projet en publiant vos modifications, en amenant du plastique aux ateliers près de chez vous ou simplement en participant à la discussion.

Capture d'écran du site de Precious Plastic ( CC-BY Precious Plastic )

Le problème du plastique :

L'ambition de ce projet est de participer à l'effort de recyclage du plastique partout dans le monde. Actuellement, moins de 20% du plastique généré au niveau mondial est recyclé [2] :

Graphique créé par OurWorldInData.org, avec les données de Geyer et al.[2], Licence CC-BY

Mais l'ensemble des territoires ne possèdent pas les mêmes politiques de recyclages, par exemple l'Union Européenne recycle 30% de son plastique en 2014 contre 11% pour l'Australie et 9% pour les États-Unis la même année.

Graphique issu du rapport de l'OCDE [1] © OECD 2018

Et c'est encore plus difficile pour les pays en voie de développement où il n'y a pas toujours de structures en place capable de traiter ces déchets. En Afrique, seul 4% des plastiques utilisés ont été recyclés en 2018[4].

Partant de ce constat, Precious Plastic s'est donné 2 axes de développements, l'éducation à des pratiques plus respectueuse de l'environnement et la création de valeurs à partir de déchets plastiques. Ce dernier est aussi important pour les pays en voie de développement car les machines que nous allons voir dans la suite de l'article ont été pensées pour être faciles à fabriquées, le moins cher possible, avec des pièces facilement trouvables, réparables et échangeables (si vous n'avez pas accès à la pièce exacte vous pourrez toujours modifier les plans). On voit ainsi des personnes capable de vivre du recyclage du plastique en créant de nouveaux objets partout dans le monde.

Les machines :

Les premières machines étaient destinées pour de petites productions locales et couvrent l'ensemble des étapes du déchet initial au produit fini.

Déchiqueteuse - CC-BY Precious Plastic

On commence par utiliser une déchiqueteuse (shredder en anglais) pour réduire le plastique en petits morceaux. Cette étape est nécessaire car le plastique sortant de cette machine est plus simple à faire fondre par la suite. De plus, cela permet de le stocker plus facilement vu qu'il prend moins de volume et offre la possibilité de faire des mélanges de différentes couleurs.

Extrudeur (le plastique sort par le tuyau à gauche) - CC-BY Precious Plastic

Ensuite vous avez le choix entre les 3 autres machines selon ce que vous voulez faire. La première est l'extrudeuse, elle transforme le plastique en filament que vous pouvez enrouler autour d'un moule, transformer en filament pour imprimante 3D (si le diamètre du fil est suffisamment constant) ou l'utiliser pour fabriquer de nouvelles matières premières.

Injecteur - CC-BY Precious Plastic

Ou alors vous pouvez utiliser l'injecteur. À l'aide d'un levier, on va pousser le plastique dans un tube, équipé d'éléments chauffants, qui va faire fondre progressivement le plastique. Lorsque le plastique a atteint la bonne température, on va exercer une pression sur le levier pour pousser le plastique fondu vers le moule que l'on a attaché en bas du tube.

Le plastique remplit le moule et se solidifie dans la forme souhaitée. On laisse refroidir puis on ouvre le moule pour récupérer les pièces fabriquées. C'est une méthode rapide et efficace mais le résultat dépend grandement de la qualité de votre moule qui peut couter cher à produire.

Compresseur - CC-BY Precious Plastic

Enfin, vous pouvez choisir la machine de compression qui réalise la même fonction que l'injecteur mais permet de réaliser de plus grandes pièces. La compression est obtenue à l'aide d'un cric comme ceux utiliser pour soulever le coté d'une voiture.

Avec le temps, ils ont voulu permettre une plus grande capacité de production en développant une gamme plus professionnelle mais toujours avec le même objectif open-source. Vous pouvez voir les différentes machines à usage professionnel proposées ici qui reprennent les bases de la gamme basique ainsi qu'une nouvelle machine pour transformer le plastique en feuille de 1m de coté.

Autres projets de One Army :

Mais Precious Plastic ne veulent pas s'arrêter là. Leur dernier projet, Beyond Plastic, vise à se séparer complètement du plastique dans la fabrication d'objets pour le quotidien.

Et par la création de One Army, ils se lancent dans 2 autres projets, Kamp et Story Hopper. Kamp cherche à développer un exemple de campement autonome au Portugal, déconnecté du réseau électrique et capable de s'auto-suffire au maximum en énergie et en denrées alimentaires. Quant à Story Hopper, c'est la réalisation de vidéos documentant différents aspects de leurs points de vues sur l'écologie, le recyclage et les modes de vie.

Conclusion

Je ne dis pas qu'un jour chacun aura une petite ligne de recyclage dans son garage. Mais comme on en discutera dans les prochains articles, je pense qu'un espace regroupant entre autres ces machines pourrait permettre de sensibiliser aux problématiques environnementales en accueillant du public. Les personnes aux alentours pourraient amener leurs déchets plastiques, ils sauront que cela permettra de les transformer en quelque chose d'utile et donnera un coup de pouce à la collectivité locale ou encore permettre à des entrepreneurs de vivre du recyclage de plastique. Je vois ça comme une décentralisation du recyclage en quelque sorte.

Actuellement, le recyclage du plastique utilise beaucoup moins d'énergie que la production de nouveau plastique [1], alors certes les machines Precious Plastic ne devraient pas atteindre les rendements des usines de recyclage spécialisées mais je serais curieux de voir où elles se situent sur ce graphique :

Et vous, que pensez-vous de cette initiative ?

Avant de partir, voici un petit exemple de produit fabriqué par Precious Plastic : (n'hésitez pas à jeter un œil aux autres objets en vente ici)

Chaise en plastique recyclé et métal - CC-BY Precious Plastic

Sources:

[1]Rapport de l'OCDE sur de possibles améliorations de la gestion du plastique : https://www.oecd.org/environment/waste/policy-highlights-improving-plastics-management.pdf
[2] Production, use, and fate of all plastics ever made BY ROLAND GEYER, JENNA R. JAMBECK, KARA LAVENDER LAW| Fig. 3 Cumulative plastic waste generation and disposal (in million metric tons) (Source utilisée dans le rapport de l'OCDE)
[3] https://ourworldindata.org/plastic-pollution
[4] Africa Waste Management Outlook 2018 | The UN Environement Programme
Site de One Army : https://www.onearmy.earth
Site de Precious Plastic : http://preciousplastic.com

*C'est un rêve que j'ai depuis longtemps, pouvoir "programmer" un organisme comme une bactérie ou un champignon pour que sa croissance se fasse vers une forme contrôlée qui permettrait de l'utiliser pour fabriquer des objets plus ou moins complexes (on commence déjà à voir des choses de la sorte comme des briques fabriquées à partir de champignons).