L'art français de réussir sans forcer - Olivier Pourriol
(temps de lecture : 1 minute)
Les lectures de Sirob :
« Toute la doctrine de l’action tient en deux chapitres dont chacun n’a qu’un mot. Premier chapitre, continuer. Deuxième chapitre, commencer. » - Alain
Voilà pour le résumé de ce livre, vous pouvez fermer ce post. Il suffit de continuer au lieu de commencer. C’était un plaisir, bref mais intense, de vous connaître. Adieu. Tachez d’être heureux.
Pour ceux qui ont décidé de rester encore un peu : (temps de lecture : une vie)
Toujours de notre cher Alain : « Tout est commencé, nous n’avons qu’à continuer. Que chacun se prenne au point où il est, dans le mouvement qu’il va faire. Toutes les résolutions pour l’avenir sont imaginaires. Continue ce que tu fais, mais mieux. »
Stendhal : « Ecrivez tous les jours pendant une heure ou deux. Génie ou non. […] . Ne raturez pas, continuez ; une phrase commencée vaut mieux que rien. Si la phrase est gauche et caillouteuse, ce sera une leçon pour vous. »
Jean Prévost (élève de Stendhal) : « Si, pour l’écrivain qui se corrige, le grand effort vient après le premier jet, pour celui qui improvise, l’effort se place avant l’instant d’écrire… »
« Empruntez un chemin que vous ne connaissez pas pour aboutir en un lieu que vous ignorez pour y faire quelque chose dont vous êtes incapables. » - François Roustang
Là réside peut-être l’idée la plus fertile de cette méthode : qui veut retrouver la possibilité d’agir et de s’inventer ne doit pas commencer par se fixer des buts clairs, mais par un état de flottement, d’indétermination, de brouillard, qui permettra à l’action de se former. C’est la nuit qui nourrit la lumière, c’est la nuée qui fait naître l’éclair.Ludwig Wittgenstein – Carnets secrets (1914-1916) : « Lorsqu’on sent que l’on se heurte à un problème, il faut cesser d’y réfléchir davantage sans quoi on ne peut pas s’en dépêtrer. Il faut plutôt commencer à penser là où on parvient à s’asseoir confortablement. Il ne faut surtout pas insister ! Les problèmes difficiles doivent tous se résoudre d’eux-mêmes devant nos yeux. »
Wittgenstein encore, dans ses remarques mêlées : « La solution du problème que tu vois dans la vie, c’est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème. »
Roustang complètera : « La solution d’un problème humain ne s’effectue jamais par une réponse à la question pourquoi. »Gérard Depardieu : « C’est toujours terrifiant de rester seul en scène devant un public sans rien dire. En s’efforçant d’être, tout simplement. C’est pour ça que les acteurs au théâtre attaquent souvent trop vite, trop fort. Régy m’a appris à prendre mon temps, à jouer avec l’attente, à sentir le silence, jusqu’au moment où les mots ne peuvent faire autrement que sortir. Il s’agit finalement moins de dire les mots que de savoir les retenir. »
Valmont, dans Les liaisons dangereuses, séducteur impénitent, a toutes les femmes qu’il veut, et même celles dont il ne veut pas, précisément parce qu’il n’en veut aucune. Il n’excelle dans la séduction qu’à la condition d’être indifférent à ses proies. N’étant pas amoureux, il ne perd jamais ses moyens, n’est jamais maladroit ni malheureux : il est toujours maître de la situation car il ne s’y risque pas. L’amour lui est facile à une condition : ne pas aimer vraiment. Ca lui donne le détachement, l’assurance, la certitude qui le rendent irrésistible. Tel le tireur à l’arc expert, il ne lâche sa flèche que lorsqu’elle a déjà touché sa cible ? Cupidon cruel, French lover doué d’un killer instinct, dénué de tout scrupule, il ne recule devant rien. Bref, Valmont. Est-il heureux ? Ce n’est pas la question. Il a la main heureuse, comme on le dit d’un pêcheur ou d’un chasseur. Il enchaîne les conquêtes mais ne connaît pas l’amour. Ou pour être plus précis : parce que il ne connaît pas l’amour. Jusqu’au jour où… Il rencontre la belle, l’innocente, la vertueuse dame de Tourvel. Tout le contraire de lui : sans arrière-pensées, l’âme pure, loyale, incapable de dissimulation. Elle le charme instantanément, précisément parce qu’elle ne souhaite pas le séduire. Son naturel est irrésistible, parce qu’il est sincère. Valmont ne s’en remettra pas. Certes, il va parvenir à ses fins, la faire tomber amoureuse de lui, mais la rose a des épines : au passage, il va tomber amoureux d’elle. Ce sera à la fois son salut et sa perte. Incapable de supporter un sentiment sincère, et de ne renoncer au confort de son existence de séducteur indifférent, il meurt littéralement de la peur d’aimer.
Tu as compris l’idée. Parmi les buts qui ne peuvent être atteints qu’indirectement, l’amour est comme dans la chanson de Carmen. Enfant de bohême, il n’a jamais connu de loi. On peut tenter d’être aimable, mais être aimé, par définition ne dépend pas de soi. La seule manière d’être heureux en amour est donc d’aimer sans attendre réciprocité. On a le droit de l’espérer, mais mieux vaut être déjà heureux d’aimer, ou encore mieux : heureux tout court. L’amour est une conséquence du bonheur d’exister, un surcroît, la cerise sur le gâteau. Emile Ajar, dans Gros câlins, écrit : « Je sais également qu’il existe des amours réciproques, mais je ne prétends pas au luxe. Quelqu’un à aimer, c’est de première nécessité. »
C’est comme dans la chanson de Balavoine : Aimer c’est plus fort que d’être aimé.
C’est surtout plus sûr, puisque la réciprocité n’est jamais garantie. La réciprocité, il ne faut pas l’attendre, pas comme un dû. Elle n’est possible que sur fond de liberté. Rien n’est moins attrayant que quelqu’un qui cherche à tout prix à être aimable. Le paradoxe, là encore, est que pour être aimé, il ne faut pas chercher à l’être.
Comment on fait alors ?
On ne fait rien. On se contente d’être. L’arbre est heureux de donner des fruits, peu importe qui les mange. On ne fait pas de cadeaux pour récolter les remerciements, mais pour le plaisir. Mieux vaut rester soi-même et ne pas chercher à plaire à tout prix. La liberté et la forme d’indifférence suprême qui l’accompagne sont encore la meilleure stratégie, puisqu’elles garantissent au moins le bonheur d’être fidèle à soi-même. Aimer, ce n’est pas seulement aimer quelqu’un, ce qui pose toujours la question de la réciprocité, mais aussi aimer ceci ou cela, aimer telle ou telle activité. Aimer marcher, courir, nager, lire, cuisiner, regarder, etc… Aimer la peinture, la musique, la nature. Bizarrement, c’est lorsqu’on se consacre entièrement à son activité, lorsqu’on est pris dans ce qu’on fait et qu’on s’y oublie, qu’on est le plus aimable. Il n’y a rien de plus séduisant que quelqu’un de passionné par ce qu’il fait. Tu vois le paradoxe : être absorbé dans ce qu’on fait au point de s’y oublier, aimer ce qu’on fait avec passion, rend aussi aimable que possible. C’est au moment où on oublie qui on est, où l’on est absorbé dans ce qu’on aime faire, au moment où on a l’impression de n’être personne, que l’on est le plus soi-même.
En amour, la cible, quand elle sent qu’elle est visée, change forcément de comportement. Si on s’intéresse trop à la cible, elle le sent. Mais si on ne s’y intéresse pas assez, ce n’est pas mieux. Sartre a fait une analyse terrible de l’amour, qui selon lui est frappé d’une contradiction fondamentale : quand j’aime, je veux que l’autre soit libre, je veux qu’il m’aime librement, mais en même temps, je veux qu’il n’aime que moi, je veux que sa liberté se réduise à m’aimer. C’est un cercle vicieux. On n’en sort pas.
L’amoureux est toujours pour beaucoup dans l’amour, qu’il alimente de son imagination. Stendhal décrit la cristallisation amoureuse comme « l’opération de l’esprit, qui tire de tout ce qui se présente la découverte que l’objet aimé a de nouvelles perfections ». Autrement dit, aimer, c’est inventer les qualités de la personne qu’on aime, et croire qu’elles lui appartiennent en propre. L’amour est une création.
Ça veut dire que l’amour c’est une illusion ?
Oui et non. Disons qu’en amour, le « travail » se fait tout seul, dans un sens comme dans l’autre. Il n’y a rien à faire. Il n’y a qu’à être. Pas besoin de viser un but : si on vise, c’est qu’on a déjà raté. Si ça n’est pas déjà en plein cœur de la cible, ce n’est pas la peine d’essayer. C’est pour ça qu’on représente toujours Cupidon avec un arc.
Le volontarisme ne sert à rien en amour. Le sentiment ne se force pas. Donc inutile d’en faire des tonnes. Tout est déjà joué. Ça vaut aussi pour l’amitié. Pourquoi on est amis ? Montaigne répond, en parlant de La Boétie : « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi. Nous nous cherchions avant que de nous être vus.
Il n’y a pas d’effort à faire, ni en amitié ni en amour. Pas besoin de prouesses, il ne s’agit pas de mérite. Ça passe, ou ça ne passe pas, comme le courant électrique. Je parle des débuts évidemment. Après c’est comme le réseau électrique, il y a quand même un peu d’entretien…
Ce que je fais par amour, je le fais mieux que si je le faisais pour moi tout seul. Sur le sujet de la peur, je te donne un petit conseil, on ne sait jamais. La peur vient toujours de l’imagination. Il suffit donc d’occuper l’esprit à quelque chose qui fixe son attention, et lui évite de penser à ce qu’il craint. Il lui faut trouver une occupation suffisamment difficile pour nécessiter d’y faire attention, mais pas trop difficile. Ce doit être quelque chose qu’on sait faire. Ça peut aussi être regarder une bonne série. Je dis bonne, car sinon l’esprit pense à autre chose. Se concentrer sur sa respiration, si on a rien d’autre, marche toujours. Respecter un rythme lent et profond, en se réglant sur un métronome imaginaire, qui ramène le calme et la mesure. On n’affronte pas la peur directement, on la fait disparaître indirectement.
Qui imagine bien, vit bien et se prépare à vouloir.
« Pour une œuvre un peu claire, un peu longue, il faut sans doute penser avant d’agir, mais il faut aussi beaucoup rêver avant de prendre intérêt à penser. »
« Pour une œuvre un peu claire, un peu longue, il faut sans doute penser avant d’agir, mais il faut aussi beaucoup rêver avant de prendre intérêt à penser. Ainsi, les plus fécondes décisions se lient aux rêves nocturnes. La nuit, nous revenons à la patrie du repos confiant, nous vivons la confiance, le sommeil. Celui qui dort mal ne peut avoir confiance en soi. En fait, le sommeil qu’on tient pour une interruption de la conscience nous lie à nous-mêmes. Le rêve normal, le rêve vrai est ainsi souvent le prélude, et non point la séquelle, de notre vie active. » Ce n’est pas simplement la nuit qui porte conseil, mais le rêve. Bien rêver prépare à bien vouloir.
Qui voudra se débarrasser de ses soucis pourra imaginer qu’il les balaye. « Mais ne restez pas sous l’empire des mots, vivez les gestes, voyez les images, poursuivez la vie de l’image. Il faudra donc donner à l’imagination ‘’La conduite du balai’’. Qu’avez-vous à balayer ? Sont-ce des soucis ou des scrupules ? Dans les deux cas vous ne donnerez pas tout à fait le même coup de balai. De l’un à l’autre, vous sentez en action la dialectique de la minutie et de la décision. S’il s’agit d’un chagrin d’amour, alors travaillez d’un geste lent, prenez conscience du rêve fini. Bientôt vous allez respirer, la tâche finie, l’âme recueillie, tranquille, un peu claire, un peu vide, un peu libre. Cette petite, toute petite psychanalyse imagée délègue aux images la tâche terrible du psychanalyste. Que ‘’chacun balaie devant son aire’’ et nous n’aurons plus besoin d’une aide indiscrète. »
Bonjour @sirob, j'ai donné à examiner la liste des "suiveurs" et apparaissent en premier et; Oh surprise! Tout un cadeau.
Merci, belle information, je pense que cela décrit un peu ma façon de vivre.
"Ne t'inquiète de rien"
(j'utilise un traducteur)
Salut @mariita
Merci pour ton retour, je suis heureux que cet article dépasse les frontières françaises!
"Ne t'inquiète de rien"
A très vite
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Bonjour Sirob,
je ne connaissais pas.
J'aime beaucoup.
Je crois que je m'en vais l'ajouter sur ma liste de livres à lire dans pas trop longtemps.
(Si la bibliothèque peut me le fournir, ce sera cool :) )
Belle journée !
Salut Gribouille !
C'est l"objectif de ce type de post. Je ne peux que te recommander cette lecture :)
Belle journée également !
Félicitations @sirob pour votre beau travail!
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